À la rencontre des habitants de cette forêt
A propos de cette activité
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Balade sonore
Découvrez la beauté de la forêt de Soignes avec cette balade sonore immersive. Vous serez transporté au cœur de la nature et pourrez écouter les sons apaisants de la faune et de la flore tout en apprenant sur l'histoire locale et la biodiversité de la région.
Consignes à suivre
Pour permettre à tous de profiter des parcs et de la forêt dans le respect des autres et de la nature, rappelons-nous ces quelques règles :
- C’est une promenade à écouter avec un casque sur tes oreilles, ou des écouteurs. Si tu l’écoutes sur le haut-parleur de ton téléphone, tu pourrais déranger la faune de la forêt. Un oiseau pourrait prendre ombrage de la voix de ce nouveau venu, inconnu, qui sort de ton téléphone.
- Prends le temps de bien régler le volume sonore de ton portable. Ne te coupe pas complètement de la forêt. Tu dois pouvoir entendre les voix du podcast, mais aussi un vélo qui passe, une corneille qui crie, ou la voix de quelqu’un qui aimerait te parler.
- Sache qu’à tout moment, tu peux mettre ton lecteur en pause, ôter ton casque pour écouter, oreilles nues, la forêt qui bat là où tu es, avant de reprendre ton casque et le fil de cette balade sonore.
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Audio description
La Muse de la forêt
Bienvenue à toi.
Avec vos pieds et vos oreilles. Bienvenue en Forêt de Soignes. C’est une promenade qui t’est proposée au départ de l’hippodrome de Boitsfort mais tu peux aussi l’écouter où que tu sois en forêt. Il n’y a pas vraiment de parcours précis à suivre. Tu peux l’écouter en marchant sur les chemins forestiers. Ou posé sur un banc, tu en trouveras ici et là en forêt ou le long de la piste de l’hippodrome.
C’est une promenade à écouter avec un casque sur tes oreilles, ou des écouteurs. Parce que si tu l’écoutes sur le haut-parleur de ton téléphone, tu pourrais déranger la faune de la forêt. Un oiseau pourrait prendre ombrage de la voix de ce nouveau venu, inconnu, qui sort de ton téléphone.
Prends le temps maintenant de bien régler le volume sonore de ton portable. Ne te coupe pas complètement de la forêt. Tu dois pouvoir entendre ma voix mais aussi un vélo qui passe, une corneille qui crie, ou la voix de quelqu’un qui aimerait te parler.
Tu y es ? Alors ton écoute va pouvoir se mettre en marche.
Sache qu’à tout moment, tu peux aussi mettre ton lecteur en pause, ôter ton casque pour écouter, oreilles nues, la forêt qui bat là où tu es, avant de reprendre ton casque et le fil de cette balade sonore.
Claude
Dans la forêt, on oublie le temps.
On est hors du temps et on est peut-être dans une sorte de poésie face aux éléments, face à la nature, face à la beauté de la nature.
Véronique
Pour moi, la forêt, c'est vraiment quelque chose d'important.
Claude
C'est quand même chaque fois différent, que ça soit printemps, été, automne, hiver, chaque promenade est différente, chaque promenade a une lumière différente, a une couleur différente
Véronique
Elle est apaisante, pour moi, c'est la paix.
Je peux arriver stressée, Il suffit que je me balade quelques mètres dans la forêt pour qu'il y ait un apaisement magique.
Claude
Chaque fois, il y a des découvertes à faire, il y a de l'aventure à vivre.
Véronique
Un monde tout le temps en mouvement.
Il y a la faune, il y a la flore et toutes les questions qu'on se pose sur comment la forêt est gérée.
Ça aussi. C'est assez passionnant.
La muse de la forêt
Laisse-moi me présenter. Je suis une muse de la forêt. J’accompagne celles et ceux qui emmènent leurs pieds en forêt. Comme toi aujourd’hui. Pas que leurs pieds d’ailleurs, leurs oreilles aussi, leurs yeux, leur odorat, leur imaginaire…
Si tu le veux- bien, prenons le temps d’y entrer en conscience. Comme si nous étions invités chez quelqu’un. Ou comme si nous entrions dans un temple ou un sanctuaire.
Moi, quand j’entre en forêt, j’aime symboliser une porte, par exemple entre deux arbres de part et d’autre du chemin. Je marque un temps d’arrêt sur le seuil de cette porte imaginaire et en pensée, je me présente ; je dis « bonjour, merci de m’accueillir aujourd’hui ». Cela rend l’entrée plus solennelle, tu ne trouves pas ?
Et puis je passe cette porte imaginaire.
Cela me donne l’impression d’entrer en forêt comme dans un autre monde, un peu magique.
As-tu toi aussi trouvé et passé cette porte d’entrée dans la forêt ?
Nous voici donc en Forêt de Soignes.
Tout au long de cette balade je vais te faire rencontrer des amoureux de la forêt, des personnes qui y travaillent, qui la soignent, qui s’y promènent, qui la côtoient, qui la chérissent.
Claire
J'aime la forêt pour sa sérénité.
J'habitais à côté de la forêt quand j'étais petite, maintenant, je réhabite près de la forêt et c'est un bonheur.
J'aime beaucoup me promener seule, à mon rythme, écouter les bruits, sentir les odeurs, regarder un petit bourgeon, un petit oiseau. Je suis très sensible au chant des oiseaux.
Évidemment, au printemps, ça me parle encore plus. Oui, c'est vraiment une source de sérénité pour moi.
La muse de la forêt
On pourrait essayer de marcher lentement…
plus lentement que d’habitude, très lentement même.
Pour prendre le temps de sentir le sol sous nos pieds, la Terre qui nous porte.
Essaie avec moi. Tu veux bien ?
De marcher lentement et de regarder autour de toi.
D’humer comme un animal sauvage.
De sentir la caresse de l’air sur ton visage.
D’écouter la forêt qui bruit. Oui, tu as raison, ma voix couvre le murmure de la forêt. N’hésite pas à me couper la parole ! Mets ton lecteur en pause et ôter ton casque quelques instants pour baigner tes oreilles dans les sons que la forêt t’offre en ce moment même.
Tu es de nouveau là ?
Moi, je suis toujours là et prête à t’accompagner encore un peu sur ton chemin forestier.
Parfois, j’aime m’approcher d’un arbre en bord du chemin.
Là où tu es, peut-être qu’un arbre te fait de l’œil. Façon de parler bien sûr. C’est une invitation à t’approcher de lui. Vas-y, approche-toi. Plonge tes yeux en lui. Plus près encore. Du bout des doigts, tu peux caresser son écorce, suivre le dessin de ses cicatrices, le relief du bois, bon ce que tu sens là sous tes doigts ce n’est pas vraiment du bois, c’est de l’écorce, le bois est à l’intérieur, l’écorce c’est comme sa peau.
Lève les yeux, suis le tronc jusqu’à sa cime.
Souvent alors, moi je perds pied… Là-haut, si le feuillage n’est pas effacé par l’hiver, il me donne le tournis…
Alors, je reviens au sol. Et je cherche les racines de l’arbre, les racines visibles, et j’aime imaginer celles invisibles qui s’étendent sous mes pieds.
Tu pourrais aussi t’asseoir en bord de chemin, plus près du sol. Rester immobile, comme un animal à l’affut. Diriger ton regard vers la litière, cette couche de matière végétale morte qui recouvre le sol. Prends patience. Tu vas sûrement voir l’un ou l’autre insecte qui va, qui vient, affairé, concentré sur sa tâche, minuscule au pied de ces grands arbres.
J’aime alors imaginer que je suis l’un de ces insectes. Je fais partie du monde des minuscules et me faufile sous les feuilles. Il y a là des allées, des boulevards, des galeries que je connais par cœur. Parfois, je disparais même sous terre.
Une forêt pour moi, c’est comme une grande famille. Et pour toi, c’est quoi une forêt ?
Stéphane
Une forêt, c'est toute une diversité d'habitants. Animaux, végétaux et tout un ensemble d'habitats, toute la complexité de cette vie de ces habitats qui rassemblent justement animaux et végétaux.
Laurence
Ce qui me fascine en forêt, c'est le lien qu'il y a entre tous les êtres vivants. Ils sont tous interdépendants.
Quand je dis les êtres vivants de la forêt, c'est évidemment les arbres, les plantes, c'est aussi, les mammifères, les insectes, les champignons, les lichens, les algues.
Du microscopique au macroscopique, on a tellement de richesse en forêt.
La muse de la forêt
Taillis, futaie, fouillis…vallons, drèves, talus, fond humide, source, étang, écorce, litière, bois morts, mousses, fougères, la forêt je la vois comme une joyeuse mosaïque, dense ici, plus ouverte là.
Mosaïque de formes, de couleurs, d’ambiances.
Et que l’on soit Autour des palombes, Troglodyte, Sittelle ou Mésange, Chevreuil ou Renard, Campagnol ou Musaraigne, Araignée, Coléoptère ou Fourmis, on se crée un chez-soi à sa mesure, avec ses cachettes, ses garde-manger, ses postes d'affût…
Et si on imaginait que j’avais une baguette magique. En quel être de la forêt aimerais-tu que je te transforme?
Véronique
Si j'étais un animal, je pense que je serais un oiseau.
Laurence
Je pense que je choisirais le pouillot qui peut se balader de branche en branche, chercher des insectes dont il se nourrit et surtout pouvoir observer la richesse de la forêt et traverser ces différentes strates de la forêt, depuis le tout, tout en haut jusqu'en bas, jusqu'aux premières branches basses.
Ce pouillot, il est d'une teinte verte et donc se mêle très bien avec les feuilles. Il peut passer inaperçu, si ce n'est qu'il a juste un champ magnifique.
Le pouillot, on l'appelle aussi le compteur d'écu.
C'est comme si des pièces tombaient au sol.
On l'appelle aussi le tchif-tchaf, et ce tchif- tchaf, une fois qu'on a découvert, ne nous lâche plus, on peut passer d'un tchif-tchaf à l'autre, puisqu'ils ont chacun leur petit territoire. Et au sein d'une balade, on peut passer d'un territoire à l'autre et les écouter et qui se répondent.
Stéphane
Je pense que je souhaiterais être le chevreuil.
Parce que le chevreuil est un mammifère assez remarquable pour moi, de par sa résilience.
Dans les milieux qui sont les plus fréquentés, par exemple le bois de la Cambre, le chevreuil ne fréquente pas ces milieux- là, même si le milieu lui est hospitalier, parce qu'il est trop dérangé.
Et ce qu'on constate, c'est que le chevreuil commence, et depuis quelque temps déjà, à conquérir et se développer dans des endroits où il n'était pas présent, par exemple dans le domaine d'Argenteuil, où il a réussi à trouver des failles dans la clôture pour pouvoir s'installer dans ces milieux- là, où il est protégé de toute pression récréative.
Et quand on souhaite protéger le chevreuil, c'est en même temps tout un cortège faunistique qui a les mêmes exigences de milieu qu'on protège.
Et donc le chevreuil, en ce sens, pour moi en tout cas, est vraiment à considérer comme l'emblème de la forêt de Soignes.
La muse de la Forêt
L’autre jour, j’accompagnais une petite fille en forêt.
Elle m’a demandé « pourquoi les arbres sont-ils grands ? » C’est bien une question d’enfant ça. Tu t’es déjà demandé toi, pourquoi les arbres sont grands ? C’est vrai que à côté d’une herbe ou d’une pâquerette, ce sont des géants. Pourquoi donc sont-ils si grands ? En Forêt de Soignes, certains mesurent jusqu’à 50 mètres de haut… et tout cela pour être dans la lumière.
Laurence
J'ai envie de vous partager un fait que je trouve fabuleux en forêt, au sein d'un arbre. Vous imaginez ces arbres qui peuvent atteindre 20, 25, voire 30 mètres de haut.
L'eau qui alimente ces arbres, elle vient du sol. La photosynthèse, la production d'énergie, la création de ces sucres qui sont métabolisés se fait au niveau de la feuille.
Donc, il faut que l'eau arrive jusqu'à la feuille pour cette fabrication de sucre. Ces sucres, en passant, vont servir à créer des réserves pour les arbres. Ces réserves vont redescendre, une fois qu'ils seront créées, le long des troncs jusqu'aux racines, pour être mis en réserve pour passer l'hiver. C'est de comprendre comment, finalement, cette eau qui vient du sol arrive jusque tout en haut, alors qu'il y a quand même 20, 25, 30 mètres de distance à parcourir.
Vous devez imaginer quand vous regardez un arbre à l'intérieur, c'est comme si vous avez à chaque fois des pailles extrêmement fines qui sont aboutées, mises les unes au-dessus des autres pour créer ce qu'on appelle une structure de vaisseaux. Ces vaisseaux sont extrêmement fins.
Et puis, vous savez tous que l'eau, quand vous la mettez sur une table toute seule, ça fait un petit ménisque. C'est un peu bombé. C'est ce qu'on appelle, une cohésion, cohésion qui est très forte dans les molécules d'eau. C'est de par le fait de cette cohésion très forte des molécules d'eau et de ces vaisseaux qui sont extrêmement fins que l'eau peut monter par capillarité. C'est au niveau de la feuille, là où a lieu le processus de photosynthèse, l'énergie créée crée cette tension d'aspiration et qui va emporter le flux d'eau de proche en proche et ce, jusque 20, 25, 30 mètres de long.
Je trouve ça juste fabuleux.
La muse de la forêt
Dis-moi, combien d’arbres peux-tu reconnaître à son tronc, à ses feuilles, à sa silhouette, à son habitat ? Ca c’est une colle hein !
Je vais t’aider. Ici en forêt de Soignes, le plus répandu c’est le hêtre. Regarde autour de toi. Ce sont ces arbres bien droits à l’écorce argentée, fine et lisse. C’est le hêtre Fagus Sylvania est leur nom savant.
Contrairement aux chênes qui s’emmitouflent sous une écorce épaisse et crevassée, le tronc du hêtre n’est pas très protégé par sa peau fragile et sensible aux brûlures du soleil. Il se coiffe alors d’un parasol de feuillage particulièrement dense pour se protéger. Et du coup, sous les hêtres, il n’y a souvent pas assez de lumière pour qu’un sous-bois puisse se développer.
Parfois on dit d’eux comme de « géants au pied d’argile ». Ils s’élèvent si haut et sont enracinés si peu profondément dans le sol qu’une forte tempête peut les faire tomber comme des quilles. On dit que l’envergure de la cime d’un arbre est en miroir de l’étendue de ses racines sous terre.
Dans ta promenade, si tu passes à côté d’un hêtre tombé lors d’une dernière tempête, considère le diamètre de la galette de sol que les racines ont soulevé quand l’arbre s’est couché.
Devant les racines, ainsi mises à jour, j’aime honorer l’arbre en considérant ce qui l’a tenu debout pendant toutes ces années. J’aime aussi toucher la terre encore captive entre les racines et radicelles. La faire rouler entre mes doigts. Sentir son odeur.
Stéphane
La partie boisée de la forêt de Soignes a fortement évolué au cours du temps.
Avant l'époque Autrichienne, c'est- à-dire avant la deuxième moitié du XVIIIᵉ siècle, c'est une forêt qui était laissée à elle- même. Et les propriétaires de l'époque, les têtes couronnées, pratiquaient la cueillette pour payer les efforts de guerre et pour doter leurs filles lors de mariages princiers. Ce qui a amené à avoir un épuisement très fort de cette forêt. À l'époque autrichienne, ils ont décidé d'améliorer la qualité des arbres dans un objectif économique pour fournir du bois à la ville de Bruxelles qui était en plein développement à l'époque.
Ils ont confié cette mission à un certain Joachim Zinner, Autrichien de sa nationalité, qui avait déjà réalisé l'aménagement du parc royal au centre-ville. Il lui a été confié la responsabilité de régénérer, restaurer cette forêt.
La muse de la forêt
Et Joachim était fan du hêtre. Il a donc choisi de planter plein de hêtres. Des hêtres qui ont été cultivés pour pousser haut et droit.
Stéphane
On sait qu'on est en forêt de Soignes de par la beauté de ces hêtres. La beauté de ces hêtres est liée justement à cette espèce et ce phénotype tout à fait unique qu'on a ici en forêt de Soignes, qui est le hêtre de Soignes, avec des troncs d'une rectitude, d'une cylindricité tout à fait unique.
La muse de la forêt
Quand on se promène dans ces futés de hêtres, ne trouves-tu pas qu'on peut s'imaginer avancer comme dans une cathédrale? Les troncs des hêtres en seraient les piliers, hauts et droit, comme un lien entre terre et ciel, et la verte et frémissante canopée en serait le plafond. D'ailleurs, plein de poésie, les forestiers parlent de hêtraie cathédrale.
Stéphane
Mis ensemble, s'ils ont le même âge, ça donne ce qu'on appelle le paysage de la hêtraie cathédrale, qui est un paysage qui est unique au monde.
On a encore la chance d'avoir ici, en forêt de Soignes, dans certaines parties du massif, des hêtres qui ont été encore plantés à l'époque autrichienne.
La muse de la Forêt
Le plus vieux être encore debout m'a dit qu'il avait 270 ans et d'autres ne sont pas très loin de cet âge avancé. J'aime imaginer ce que ces vieillards ont pu voir passer sous leurs branches durant ces presque trois siècles. En fait, ici, en forêt de Soignes, on laisse aux arbres le temps de vieillir.
Stéphane
Évolution de notre société, la part du volet récréatif a pris de plus en plus d'importance. L'âge d'exploitabilité des hêtres a été reculé, jusqu'à l'heure actuelle, à des hêtres dans des âges de maintien de l'ordre de 200, 220, 250 ans, 270 ans pour le plus vieux.
La muse de la forêt
Du coup, ces vieux peuplement sont riches en bois morts. Avant, les forestiers évacuaient le bois mort de la forêt. Ils craignaient, mais ils avaient tort, que les insectes attirés par le bois mort ne se mettent à attaquer le bois sain. Mais ça, c'était avant, depuis, on sait que ce n'est pas le cas.
Aujourd'hui, l'arbre qui vieillit dans la forêt, il y meurt soit de vieillesse, de maladie ou bien abattu par une tempête. Et même mort, il reste dans la forêt, encore debout, en chandelle ou bien alors couché au sol, jusqu'à y être décomposé et retournés à la terre.
Laurence
La chute des feuilles, puisqu'on est quand même dans des forêts feuillues chez nous qui perdent leurs feuilles en hiver. Cette chute de feuilles renourri les sols, rapporte de la matière organique au sol, mais à elles seules, les feuilles ne suffisent pas à renourrir le sol.
On a besoin aussi de retrouver au niveau des sols, pour que cette nourriture qui va au niveau des racines soit en suffisance, qu'un certain nombre d'arbres qui, finalement, sont en fin de vie, sont en perte de vitalité et commencent à mourir de leurs belles morts, que ces arbres, on puisse les laisser dans la forêt.
Ces bois morts sur pied, ce sont vraiment des immeubles à insectes, à champignons, ils abritent un nombre incalculable d'espèces, des espèces qui, malheureusement, sont souvent en régression chez nous.
Et puis, il y a du bois mort au sol aussi, qui n'est que la suite logique du bois mort sur pied. Et ce bois mort, il est dans un stade de décomposition qui est différent que le bois qui vient juste de mourir, et donc il accueille encore d'autres espèces.
Mario
Les champignons se chargent de recycler le bois mort. Tous ces petits habitats font que nous avons des espèces particulières, comme un carabe spécifique à la forêt de Soignes.
Ici, à Watermael-Boitsfort, existe également le lucane cerf-volant. C'est le seul endroit à Bruxelles où on peut l'observer.
Tous ces petits habitats, un arbre mort sur pied, attirent aussi les chauves-souris. Contrairement à ce que personne pourrait croire, ce n'est pas laisser la forêt non entretenue à l'abandon. Non, pas du tout, c'est voulu de laisser, là où la sécurité est assurée, de laisser des branchages morts pour, contribuer à maintenir cette richesse.
La muse de la forêt
Et toute sa vie, dans les creux de son écorce, dans les plis de ses branches, dans l'ombre de ses feuilles, dans les nodules de ses racines, dans la pourriture de sa souche, chaque arbre offre le gîte et le couvert à une myriade d'êtres vivants que nous, promeneurs, ne soupçonnons même pas.
Claire
Identifier, reconnaître, trouver qui est quoi, comment évolue telle plante, comment évolue tel animal.
La muse de la forêt
Ralentissons encore notre marche, tu veux bien ? Pour bien sentir le sol sous notre pas. On pourrait même se mettre pieds nus pour le sentir encore mieux, et percevoir son énergie.
Ce sol est un réel livre d’histoire. Imagine-toi, nous marchons ici sur un sol qui n’a jamais été transformé par l’homme, jamais! Depuis la dernière glaciation, il y a 10.000 ans environ, il n’a jamais ici été cultivé.
Stéphane
Et donc ici, on a aussi la chance d'avoir un relief qui est lié à ces périodes glaciaires interglaciaires où des tonnes de glace ont fondu avec le réchauffement climatique et ce flux d'eau a créé ce relief qui est caractéristique de la forêt de Soignes avec ce qu'on appelle les Delles, qui sont des vallons qui ont été créés par l'érosion des sols liés à ce flux hydrique.
Nolwenn
Moi, je serai un champignon ou plutôt, je ferai partie du mycélium. Je suis ébahie de ce qu'on découvre du rôle joué par ce mycélium souterrain. Je suis dans un étonnement, où je pourrais même parler d'une fascination par rapport au mycélium, parce que c'est quelque chose de nouveau, dont on se rend compte de l'importance du mycélium dans le réseau qu'il crée, mais aussi dans la symbiose.
La symbiose, c'est le vivre ensemble en accord mutuel avec les racines d'arbres, mais aussi les racines et tous les autres êtres vivants sous ce sol.
Oui, j'aimerais faire partie de cette grande toile du mycélium. Je ne serai pas à l'ensemble du mycélium. Moi, c'est juste justement, ça m'amène à cette question que je trouve essentielle, qui nous manque à nous les humains, c'est l'humilité. Je trouve que le mycélium, faire partie du mycélium, c'est aussi se remettre au niveau de cette nature et de cette complexité qui s'est développée et où chaque être vivant a contribué. Le mycélium, on découvre sa contribution énorme. Je souhaiterais bien que les humains soient plus mycéliums et qu'ils apprennent aussi de ce mycélium et en particulier de l'humidité, l'humilité, pas que l'humidité, l'humilité par rapport à ce qui est devant nous et cette nature sans laquelle on n'est rien.
Claude
Je crois que je serais un ver de terre parce que je trouve que le ver de terre est silencieux. Il fait son boulot sans que personne ne le sache. Il a sa niche, il est très utile et il représente quand même grosso modo 90% de la masse de la vie du vivant qu'on ne connaît pas et qui est dans le sol. Je pense qu'il améliore cette masse du vivant, cet humus qui est essentiel pour notre environnement et pour capter, par exemple, le CO₂ atmosphérique et faire en sorte qu'il soit le lit de toute la vie terrestre entre ciel et terre.
La muse de la forêt
Quand je marche en forêt, je prends parfois conscience du temps, le temps long des forces géophysiques qui ont modelé la terre, qui ont façonné le sol que je foule et support de toute cette vie.
Et puis du temps si court de nos montres, qui s'emballent depuis quelques dizaines d’années à peine, et qui transforment tout de manière vertigineuse.
Dis moi, cette forêt qui est là depuis si longtemps.
Ces sols hérités des dernières glaces.
Que seront-ils demain ?
La Terre se réchauffe, sécheresses, inondations, tempêtes… Le hêtre souffre… Et moi, je m’inquiète.
Nolwenn
L'arbre, on s'en inspire beaucoup. On a besoin des arbres. Ils ont été là avant nous et j'espère qu'ils seront là après nous. On a beaucoup à prendre de eux encore aujourd'hui.
Laurence
Moi, j'ai à cœur et je suis très touchée quand je parle de forêt nourricière, parce que je suis convaincue que la forêt, elle vient nous nourrir et elle vient nous rechercher dans qui nous sommes nous, humains. La forêt nous nourrit par tous nos sens. Elle vient éveiller tous nos sens. Quand on se balade en forêt, vous pouvez bien vous rendre compte à la fin de votre balade que vous êtes beaucoup plus en paix, vous êtes beaucoup plus détendus.
La forêt apaise.
Si vous regardez bien ces arbres, ces géants, ils sont tellement ancrés, c'est donc du végétal avec des racines ancrées dans le sol. Vous devez imaginer toute l'immensité du feuillage au-dessus de vous. Vous imaginez la même chose dans le sol, voire plus au niveau des racines. Il occupe un espace phénoménal en dessous de nos pieds, dans un labyrinthe, une intrication de racines. Et ces êtres vivants que sont les arbres sont ancrés, ils ne bougent pas, mais ils ont une faculté d'adaptation juste fabuleuse. Et j'ai vraiment juste envie de vous dire, prenez-en de la graine. Imaginez-vous cet arbre qui ne peut pas bouger, mais qui peut s'adapter, qui passe le temps.
Un chêne vit des centaines et des centaines d'années, un bouleau peut vivre jusqu'à 80 ans, un hêtre peut vivre jusqu'à 200, 300 ans. Et pendant toutes ces années, qu'est-ce qu'il en a vu des choses ?
Nolwenn
Nous, on les a accompagnés ou eux nous ont accompagnés.
Je trouve donc important de porter l'attention à ce qu’ils peut encore nous apprendre.
Entre autres, cette question des racines et de ces connexions, communication qu'il y a via des substances qui circulent et qui nous permettent aussi de se dire, nous aussi, on ferait bien de s'en inspirer de cette coopération et de créer ces mycéliums dans l'ombre, peut-être.
De façon à faire une forêt plus connectée, que nous, les hommes humains, soyons moins connectés à l'électronique, peut-être, mais plus connectés entre nous et d'être conscients de ces liens qui peuvent nous lier et de cette force. Et le côté indispensable. Parce que c'est vrai que je parlais de l'arbre en ville, mais un arbre en ville, quelquefois, il peut être seul, parce que justement, il est plus connecté par ses racines aux autres arbres, aux autres plantes, aux autres animaux, aux autres animaux d'autres végétaux, parce qu'il y a les trottoirs, parce qu'il y a la route, parce que c'est un autre monde qui est important aussi, mais c'est différent.
La muse de la forêt
Je t’invite à ôter le casque de tes oreilles durant quelques instants. Juste pour écouter.
Nolwenn
C'est important quand on marche en forêt, de prendre le temps, surtout quand on est dans un esprit d'aller se balader. C'est peut-être prendre un moment pour se dire « Tiens, je vais arrêter de parler si je suis avec une personne ou si on est en groupe » et se dire « Tiens, et si on prenait un moment pour marcher en silence et pour se mettre à l'écoute de la forêt? » Ça peut être aussi encore plus fort si on ralentit le rythme de marche. Mais c'est prendre vraiment cette posture d'être dans le silence et de faire comme si son corps s'immergeait vraiment dans cette forêt et donc d'aller de plus en plus doucement, d'écouter et se mettre à regarder ce qu'il y a autour de soi.
La muse de la forêt
On pourrait jouer à imaginer avoir une ouïe si fine que l’on entendrait un oiseau se poser sur une branche, un insecte déambuler sur une feuille, un orvet glisser au sol, un mulot se retourner dans son terrier, un bousier pousser sa boulette de terre, une fourmis grimper au tronc d’un arbre, un moustique se poser sur une fougère, une tique attendre le passage du renard. Peut-être pourrait-on même entendre ce que les arbres se racontent via leurs radicelles…
Bon, tu es toujours là ? Ou bien tu n'as pas encore enlevé ton casque ? Allez, vas-y, c'est le moment. Bon, n'oublie pas de mettre sur pause et puis de revenir.
Claire
J'aime beaucoup la tombée du soir parce que tous les oiseaux se mettent à rechanter. J'aime aussi très fort le petit matin, mais au moment où le soir tombe, j'adore.
La muse de la forêt
Un jour, un forestier m’a dit : « Garder la forêt pérenne, c’est garder une forêt grouillante de vie ».
Mario
Des étangs, des prairies plus sèches où on peut voir des genres de bruyère qui fleurissaient également au printemps. On a des anémones, des jacinthes des bois. Toute cette variété de biotopes est vraiment particulière et fait la richesse de la forêt de Soignes.
Claire
Il y a un animal que j'adore, c'est le blaireau, mais ici en forêt de Soignes, c'est difficile de les voir. J'aime beaucoup le blaireau et le pique-noir qui est notre voisin, qu'on entend très, très souvent et qui nous envoie des petits messages.
Le blaireau, le pique-noir.
Madeline
Si j'étais un animal en forêt, lequel j'aimerais être?
Probablement une chauve-souris.
Je ne sais pas de quelle espèce, mais une chauve-souris.
Ca vit assez vieux, 25 ans, si elle a de la chance, évidemment. Elle a vraiment le temps, sur une vie, d'acquérir de l'expérience, de connaître ses congénères, de connaître différents endroits.
Elle va peut-être retrouver d'année en année les endroits où elle a niché pour avoir ses petits, si c'est une femelle, ou les endroits où elle va passer l'hiver.
Les chauve-souris sont capables de voler aussi une certaine distance et vont dans des toutes sortes de milieux différents. Elles peuvent voler à une vitesse peut-être autant que ce vélo qui vient de passer. Donc c'est assez étonnant. On pense qu'elles peuvent voler jusqu'à 35 km/h.
Elles utilisent des ultrasons pour se diriger dans le noir. C'est quand même un fameux exercice. Donc ça veut dire qu'elles ont une très bonne expérience des sons de la vie en journée. Elles voient comme nous. On pense toujours que les chauves-souris sont aveugles, pas du tout.
Elles n'ont pas besoin de crier, d'utiliser des ultrasons en journée.
C'est très énergivore de crier. Vous aussi, quand vous criez, ça prend de l'énergie.
Elles crient par nécessité quand elles ont besoin de se diriger dans le noir pour chasser, pour communiquer avec les autres chauves-souris. Il y a aussi des cris d'alerte chez des chauves-souris. Il y a aussi des mamans qui arrivent à la colonie de chauves-souris qui veulent retrouver leurs petits. Donc elles vont crier, le petit va répondre, elles vont reconnaître la voix du petit. Des chauves-souris aussi peuvent se retrouver avec différentes espèces dans les mêmes endroits. Donc je pense que si j'étais une chauve-souris, j'aurais plein de copains de différentes cultures. Je vivrais une vie variée suivant les moments de l'année, puisqu'elles bougent d'un endroit à l'autre. J'aurais mes endroits où je passe l'hiver, les endroits où je passe le printemps. Et puis, j'ai peut-être envie de bouger. Et puis, je pourrais aller ici, là. Ça a l'air assez amusant, en fait. Et la forêt offre aussi toutes sortes d'endroits comme des vieux arbres, des trous dans des vieux arbres. À savoir qu'il faudrait que je choisisse une espèce forestière.
À réfléchir.
Claude
Notre société hyper privatisée, la forêt est encore quelque part un lieu commun, sans clôture, sans propriété privée, qui nous permet de se promener sans être empêchés par des clôtures, par des jardins privés, par de la propriété privée.
Je crois que ce grand espace de plusieurs milliers d'hectares en commun donne un paysage qui est sans limite où l’on peut même s'y perdre.
Je trouve que c'est une chance d'avoir ce lieu à Bruxelles.
La muse de la forêt
Avoir cette forêt aux portes de la ville… Quelle chance inouïe !
Pouvoir s’y évader en descendant d’un tram…
Elle est aussi le cabinet de créativité de nombreux artistes.
Comme muse de la forêt, j’en ai accompagné plusieurs.
Je me rappelle notamment de Els. Els Moors, qui était notre poète nationale en 2019.
En marchant, elle y a écrit certains de ses poèmes.
Je t’en lis un :
« tandis que je me promenais
je déplaçais mon pas
je marchais en moi et avec moi
mon corps avançait
et tout ce que je savais ou disais
était prévu pour être
dans cet être à moi
le soleil versait de la lumière
en cercles sur le sol
et les ombres des feuille
s'y tissaient des motifs qui veillaient
tout éveillée je rêvais
mon enfance tant que je pouvais
continuer
à devancer mon pas j’allais être la première
à moi qui arriverais
ce n’est qu’au moment où fatiguée
je me suis oubliée que j’ai découvert
la force la fragilité de ce qui
sans moi
s’était avancé »
Je trouve que ce poème exprime tellement bien comment la forêt peut nous perdre et en même temps nous renvoyer à nous-même, dans le doux balancement méditatif de la marche.
Des études scientifiques menées au Japon, au Canada, aux Etats Unis ont montré que se promener en forêt avait un effet bienfaisant sur notre santé tant psychique que physique. L’air y est bien sûr moins pollué qu’en ville. La lumière forestière apaiserait notre cerveau. Regarder l’architecture des arbres qui se divisent d’embranchement en embranchement nous aiderait à réduire le stress. Il y aurait dans le sol forestier des bactéries spéciales capables de booster notre système immunitaire. Les arbres émettraient certaines substances chimiques, comme des terpènes, qui stimulent notre système nerveux parasympathique et nous aident à nous détendre, tout comme les chants d’oiseaux qui ont le même effet.
On pourrait dire que la forêt de Soignes soigne.
Laurence
L'idée, c'est de pouvoir, nous, humains, se retrouver au cœur du vivant et de pouvoir quelque part bénéficier de ce vivant, mais tout en préservant un équilibre et d'assurer le renouvellement de cette forêt qui ne peut se faire pas seulement grâce aux arbres, mais aussi aux insectes, aux champignons, aux mammifères et aux oiseaux.
Claire
Je regrette un peu qu’il y ait tant de chiens qui dérangent quand même beaucoup les animaux. Mais voilà, la forêt, elle peut à tout le monde et elle doit servir un peu à tout le monde.
Mario
En termes de biodiversité, on est gâté avec la forêt de Soignes.
En mammifères, les chevreuils, du renard.
En oiseaux aussi, c'est une forêt où il y a vraiment beaucoup d'espèces d'oiseaux, tant nicheuses qu'hivernantes. Il y a des rapaces, des rapaces diurnes, des rapaces nocturnes, beaucoup passent inaperçues. Il y a des espèces très discrètes.
Malheureusement, il y a d'autres espèces qui ont disparu, comme le pouillot siffleur, le rougequeue à front blanc. Les espèces qui nichaient au sol ont disparu. La sur fréquentation du public peut-être hors des chemins ou alors trop de chiens en liberté ont fait que les espèces qui ont leur nid au sol souffrent beaucoup de ces impacts .
Evidemment, ça passe inaperçu parce que ce sont des espèces particulières assez discrètes, mais ces espèces rares ont disparu à l'insu d'un grand public.
Stéphane
Conscient de la fragilité de la forêt, conscient que cette forêt abrite toute une diversité de vie, le plus souvent insoupçonnée, et donc de venir en tant qu'être humain extérieur, respectueux de ce milieu fragile, de ce sanctuaire et de venir avec beaucoup de respect en essayant de déranger le moins possible tous ces êtres vivants qui vivent au sein de la forêt et également d'avoir un comportement respectueux des autres usagers humains qui fréquentent et circulent au sein de la forêt de Soignes.
La muse de la forêt
Je vais te quitter ici. Je te laisse poursuivre le chemin.
J’ai vraiment pris plaisir à t’accompagner sous les frondaisons.
Tu peux maintenant ôter ton casque, continuer oreilles nues, oreilles aux aguets des murmures et cris de la forêt.
Reviens quand tu veux. En forêt chaque jour est différent. Chaque promenade est différente.
Pourvu seulement que nous puissions encore bien longtemps être accueillis dans la maison des chevreuils, des renards, des pics, des écureuils, des autours, des hêtres, des tilleuls, des champignons et des fougères.
Allez, je te laisse. Avec l'espoir de te retrouver un jour au détour d'un chemin
Stéphane
Proche du centre de Bruxelles, au sein même de la ville, un milieu sauvage de cette qualité- là, et c’est la responsabilité de chacun de le préserver en adoptant un comportement de respect en venant s’y promener et des comportements ad hoc pour préserver justement cette richesse fragile.
Crédits
Durant cette balade, nous avons rencontré, par ordre d’apparition : Stéphane Vanwijnsberghe : Chef de la sous-division Forêt et Nature de Bruxelles Environnement, Laurence Delahaye : Consultante et formatrice en forêts, Mario Ninanne : Naturaliste et ornithologue, Nolwenn Lécuyer : Guide et Formatrice en Sylvothérapie japonaises et Madeline Hammond, guide nature.
Avec la voix d'Anne Versailles et les voix de quelques amoureux usagers ou riverains de la forêt, Claude, Véronique et Claire.
Ecriture et réalisation : Anne Versailles
Mixage final : Bastien Hidalgo Ruiz
Production : KASCEN pour Bruxelles-Environnement
Une initiative de Bruxelles-Environnement avec le soutien du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER)